Glen Loverdale ...

Train d'enfer

La première fois, Glen pensait naïvement qu’il suffirait de monter à bord du train et s’y installer pour le long voyage de nuit. Passer la nuit à essayer de dormir sur la plateforme l’avait quelque peu échaudé. LA seconde fois, un homme lui assura qu’il monterait sans problème et garderait la place de Glen. Celui-fit prit dont le sac de P. pour lui faciliter la tâche. Quelques minutes plus tard, P. le rejoignit sur le quai, n’ayant pas réussi à assurer son engagement. Une seconde nuit, toujours sur la plateforme, décida Glen à tenter sa chance lui-même lors du prochain voyage. La troisième fois, Glen confia son sac à P. et se positionna auprès des autres hommes qui allaient monter à bord du train, alors que celui-ci entrait lentement en gare. Le risque de tomber sur les voies et avoir les jambes broyées par les roues du train n’était pas minime, bien au contraire. Mission accomplie pour Glen qui deviendrait un spécialiste du « monter dans un train en marche ».

Les hommes attendaient le train sur le quai de la gare de S, Glen comme certains d’entre eux s’était positionné pour assurer sa place et celle de P. Il y parvint sans souci après qu’un homme ait ouvert la porte de la voiture. Glen se précipita dans le couloir, ouvrit la porte d’un compartiment vide et s’y engouffra. Il ouvrit la fenêtre et fit signe à P. de le rejoindre. Celui-ci mangeait une glace et retrouva Glen facilement. Les deux hommes s’allongèrent chacun sur une banquette de trois places, savourant le confort de leur situation. P. se redressa et s’assit alors près de la fenêtre, attendant avec impatience le départ du train. Le climat continental en Allemagne est d’une chaleur étouffante en été, et il faisait terriblement chaud.

Soudain, la porte du compartiment s’ouvrit brutalement sur B., M., E. et S. Depuis plusieurs jours, B. provoquait régulièrement P. qui ne réagissait pas. Pourtant P. avait une stature impressionnante puisqu’il mesurait 1,90 mètre pour 90 kg. Il était de forte corpulence et tout en muscles. Glen s’était amusé à le défier et il avait failli être cassé en plusieurs morceaux, ayant commis de s’approcher trop près de P. lors de ce combat amical. Seulement, P. avait une voix fluette, au point que les quatre hommes qui entouraient Glen et P le prenaient pour un homosexuel. De plus, P. était un véritable trouillard qui préférait s’écraser plutôt que d’aller à l’affrontement. Si affrontement il doit y avoir, Glen considérait qu’il fallait se battre, au risque de se faire éclater la gueule, plutôt que passer pour un pleutre. Cette position n’était pas partagée par P. qui évitait les tensions en s’écartant ou en laissant passer l’orage.

- Pourquoi as-tu pris ma place près de la fenêtre, demanda B. à P. avec un ton de voix agressif.

J’observais la scène qui allait se dérouler sous mes yeux, comme le faisais les trois compagnons de B.

- B., je vais peut-être me faire éclater la gueule, mais je ne bougerai pas.

C’est la première fois que je voyais P. se rebeller, mais les conditions lui étaient très défavorables. Le compartiment était étroit, les trois comparses de B. étaient prêts à se joindre à B. pour donner une leçon physiquement ultra-violente à P.

Glen était étonné par le fait que tous l’ignorent comme s’il était transparent. B. s’était approché tout près de P, au point que leurs visages se touchaient presque.

- Dégage de ma place, dit alors B. dont la voix rude.

Glen voyait que la violence montait de plus en plus chez B qui adoptait une position de combat. A ma plus grande surprise, P. refusa de bouger et c’est la première fois que je le voyais se rebeller. Glen allait être le témoin de son passage à tabac et ne savait pas encore comment réagir. Lorsque B. et ses trois acolytes s’en étaient pris à P., il avait ressenti un immense soulagement en ce disant que ce n’était pas à lui qu’on en voulait. La place près de la fenêtre n’était évidemment qu’un prétexte  pour B., son obsession était de se battre avec des hommes physiquement costauds. A plusieurs reprises depuis quelques semaines, il s’était amusé à provoquer d’autres hommes et il était toujours sorti vainqueur du combat physique. Face à lui, P. n’avait pas l’ombre d’une chance.

Avant l’orage, l’atmosphère est toujours électrique au point de ressentir une énorme tension nerveuse sans en comprendre la signification. Puis l’apaisement suit lorsque retentit le tonnerre et que le ciel est illuminé par la foudre. Un déluge d’eau sous la vitesse du son et celle de la lumière. Dans ce compartiment où la tension devenait irrespirable, c’était exactement ce que ressentait Glen : la pression avant le déchaînement des éléments. Quelques minutes séparaient maintenant l’instant qui allait voir P. subir le déferlement de la brutalité animale de B.

Le temps semblait s’être arrêté tandis que le cerveau de Glen tournait à une vitesse hallucinante. Il analysait les options possibles et elles n’étaient pas nombreuses. Il pouvait laisser P. se faire massacrer en restant spectateur. Participer à la curée l’effleura un bref instant mais il sourit une fraction de seconde de cette option qui ne lui correspondait en rien. Il pouvait entrer dans la danse et advienne que pourra. Glen avait peur mais c’était une saine peur, celle qu’on arrive à contrôler pour ne pas oublier le degré de danger élevé. Intervenir physiquement signifiait que P. et Glen serait dans une position très défavorable. Glen savait faire mal lors d’une lutte physique, il ne craignait pas de recevoir des coups ni d’en donner. Pourtant, il n’en ressentait nullement l’envie car il aurait le dessous. Ce n’est pas cette possibilité qui l’inquiétait mais il n’en avait tout simplement pas envie en cet instant.

Glen se leva et tous les regards convergèrent vers lui. Il prit son sac, se tourna vers P. et d’une voix forte et assurée, il dit : « P., je change de compartiment. Si tu veux me suivre, pas de problèmes ». P. prit son sac et sortit juste après Glen, à la recherche d’un autre compartiment vide et dont l’atmosphère serait plus sereine. Étrangement, B. et des trois amis n’eurent aucune réaction. Glen savait parfaitement qu’il venait de passer pour un lâche, mais cela lui importait peu. Il avait été un mouton que B. pensait apeuré, mais il n’en était rien. Il devrait être un loup, ce qu’il savait parfaitement être lorsque les circonstances l’exigeaient. C’est d’ailleurs ce qu’il ferait quelques jours plus tard lorsqu’il épargnerait à P. un viol collectif dans le huis clos de sa piaule, à l’occasion d’un weekend où la section à laquelle il appartenait serait consigné sanitaire pour vaccins médicaux. Glen laisserait alors la violence se déchaîner, surmontant sa peur sans la sous-estimer !



03/09/2015
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 11 autres membres