Glen Loverdale ...

Lâcheté ou inconscience ? cruel dilemme

Je me suis souvent posé de savoir quelle était la frontière entre lâcheté et courage. A ce jour, je n’ai toujours pas la réponse …

 

Il y a bien longtemps, je débutais la boxe un peu par hasard. Je commençais à être bon, au point que mon entraineur, paix à son âme, envisageait de m’engager dans des combats de boxe. Il attendait simplement que j’y sois prêt physiquement, mais aussi et surtout psychologiquement.

 

Au retour d’un entrainement, un de mes potes prenait le même trajet que moi. Ma mobylette étant débridée, je roulais nettement plus vite que lui. A un feu rouge, où j’étais arrivé avant lui, un homme est sorti de sa voiture et s’est précipité vers lui, pour le frapper. Je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai pris la fuite. J’ai roulé sur plusieurs kilomètres et la honte d’avoir mon ami se faire tabasser à pris le dessus. J’ai fait demi-tour mais il n’y avait plus personne sur le lieu de l’agression.

 

Le lendemain, je retrouverai mon ami au lycée et j’étais pris de remords d’avoir étalé ma lâcheté au grand jour. J’étais mortifié à l’idée de me trouver face à lui, au bahut. Quand je suis arrivé le matin, il est venu me rejoindre sur le parking des deux-roues motorisés. Je n’osais pas le regarder en face, j’ai senti que je devenais rouge de honte. Il m’a simplement dit qu’il ne dirait rien de ma lâcheté à quiconque, et il a tenu sa parole.

 

Alors, ce jour là, j’ai pris une décision : plus jamais je ne prendrais la fuite !

 

Quelques mois plus tard, j’étais étudiant à l’université. J’avais oublié la banlieue d’où je venais et je prenais plaisir aux discussions sans fin sur les grandes théories économiques et financières, ainsi que sur la pensée économique et son histoire, mais aussi toutes les grandes notions de sociologie.

J’étais ce qu’on appelle communément un intellectuel !

 

Et puis, j’ai rejoint, parce que j’ai fait de mauvais choix, un régiment semi-disciplinaire en Allemagne, au temps où le service militaire existait encore. J’aurais pu rejoindre un régiment de planqués, mais j’ai commis une erreur fatale aux yeux des gradés et de l’État-major. On m’a fait payer le prix de mon mauvais choix. Je me suis retrouvé avec des bêtes sauvages, pour qui la seule loi était celle du plus fort. J’ai décidé de m’en tenir à ma résolution, même si je devais me faire tabasser, je ne céderais jamais, face à ces hommes dangereux avec qui j’allais passer une année entière. Alors ? Je suis devenu une bête sauvage, comme eux.

 

Pour cela, il y eut un élément déclencheur. Le jour où six hommes sont entrés dans ma chambrée, alors que je lisais un livre. J’ai cru qu’ils allaient s’en prendre à moi, et j’ai eu peur. J’ai poussé un soupir de soulagement muet quand j’ai vu qu’ils s’en prenaient à mon compagnon de chambrée. C’était un colosse mais il avait la voix fluette et il était un trouillard. Il s’est fait frapper à plusieurs reprises, et j’observais cela comme un spectacle, où je n’étais pas visé.

 

C’est lorsque j’ai compris que cela prenait une tournure dangereuse que j’ai été tiraillé. Faire quelque chose ou seulement sauver ma peau en restant indifférent. Seulement, cette situation dangereuse pour le colosse a pris un tournant inattendu, ça commençait à sentir le viol collectif.

Et là, je me suis levé. Impossible de me rasseoir sur mon lit, je devais aller au bout, malgré ma peur.

Je ne suis pas un héros, loin de là, mais je ne pouvais pas laisser faire ce qui allait se dérouler sous mes yeux. Je me suis rappelé ce qui s’était passé le soir de l’agression de mon ami, après la boxe. Quelques jours plus tard, je m’étais mis en situation de ne pas prendre la fuite, dont j’avais tant envie. L’ami avec lequel je repartais de l’entrainement de boxe, était visé par la vingtaine de jeunes hommes qui nous empêchaient de passer. Mon ami et le chef de la bande m’ont dit que je pouvais partir, car je n’étais pas concerné par ce qui allait se passer. Tout comme mon ami, je suis descendu de mobylette et j’ai décidé de rester avec lui. Encore une fois, il ne s’agissait pas là d’héroïsme, simplement d’inconscience. Étant boxeur, j’ai vite compris que cela ne servirait à rien. Il fallait passer en mode combat de rue, pour sauver notre peau. Alors oui, on a été submergé par le surnombre. Mon ami est moi, on s’est retrouvé à terre, subissant un déluge de coups de pieds et de poings. J’essayais de protéger mon visage et la partie la plus sensible de mon corps. Cela semblait interminable, jusqu’au moment où un automobiliste, qui voulait sortir de la résidence, a allumé ses pleins phares, puis est sorti de son véhicule. Ca a mis la meute en fuite. Mon ami et moi ressentions des douleurs sur tout le corps, nos visages étaient en sang. Mais nous avions fait face, sans nous sauver !

 

Ce n’était pas, je le répète, de l’héroïsme, juste de l’inconscience.

 

Alors, dans ce régiment semi-disciplinaire, j’ai subi un cassage psychologique de la part des gradés et de l’État-major. J’étais affecté à des corvées qui me semblaient dégradantes, compte tenu de mon niveau d’études. On m’a aussi affecté à toutes les gardes de la caserne, tous les deux jours, pour jouer sur mon sommeil. Je ne dormais que 3 à 4 heures par nuit, et le froid glacial de l’hiver allemand a fait le reste.

 

Je suis devenu, moi aussi, une bête sauvage. Oubliées les théories économiques ! Oubliées les longues discussions politiques avec mes amis de la faculté. J’étais passé de l’autre côté de la barrière. Celle où il faut devenir un loup pour ne pas devenir un souffre-douleur, ou un mouton docile. Et j’y suis parvenu en me faisant respecter. J’ai acquis plusieurs surnoms : le Rasta blanc, le bargeot psychopathe, entre autres. Parce que si affrontement il y avait, je ne reculais plus. Je refusais de prendre la fuite pourtant salutaire. Mais, si je l’avais, je devenais le lâche, celui qui n’est pas capable de se défendre pour affronter les loups !

 

Un jour où j’attendais mon tour à l’ordinaire (le lieu de restauration des simples soldats), un homme passait devant tout le monde pour se faire servir son repas. Arrivé à ma hauteur, je l’ai saisi par le cou, et j’ai commencé à l’étrangler, j’étais prêt à le tuer pour une connerie. Un sursaut de lucidité m’a arrêté dans ma violence bestiale et stupide. Je ne savais plus qui j’étais : l’étudiant qui venait d’un univers aseptisé, ou la bête sauvage qui était passé du mauvais côté de la barrière de la vie.

 

J’ai pris la décision de redevenir un être humain quelle qu’en soit le prix. Et j’y suis parvenu en quelques semaines. Je ne savais pas que j’avais acquis le respect des loups. Un intellectuel était presque comme eux dans la bestialité. En ce qui concerne ce retour de l’homme à l’animalité, il y a d’autres exemples sur lesquels je ne reviendrais pas, ça n’apporterait rien d’autre que du voyeurisme.

 

La dureté à laquelle j’avais été confronté, j’en avais fait ma ligne de conduite. Sans la présence de quatre amis, je ne sais pas si j’aurais eu la force de redevenir « humain ». Le prix en a été élevé, très élevé, car il a conditionné les vingt années suivantes de ma vie.

 

Le jour où j’ai quitté le camp semi-disciplinaire, j’ai posé mon sac, tout en allumant une cigarette. Et je me suis dit que j’étais intact, indemne. Je me trompais et je ne le savais pas encore.

 

Et puis, des années plus tard, j’ai rencontré une femme. Une rencontre qui arrive rarement dans une vie, et j’ai retrouvé la joie de vivre. En oubliant le passé que je trainais comme un boulet !

 

Seulement, la dureté a refait surface, malgré moi, malgré l’amour que me portait cette femme. Et j’ai oublié la force de son amour, la force de mon amour …… et j’ai fait ce que j’avais toujours refusé, j’ai pris la fuite ! Comment, en abusant de substances hallucinogènes à très hautes doses, celles qui modifient la perception de la réalité et font commettre des erreurs irréparables …. Même si secrètement, j’avais envie de revenir au bonheur partagé, à la joie de vivre partagée …

 

Détruire ce qu’on a mis du temps à construire, par amour de l’autre, rien de plus facile. Reconstruire ensuite le champ de désolation, c’est mission impossible, tant le mal est fait !

 

Je ne crois pas au destin qui dit que tout est écrit. Je veux croire que je peux agir sur mon présent, et donc sur mon futur, en tirant les leçons du passé !

 

Est-ce possible ? Je n’en sais rien …… et la réponse ne dépend pas que de moi !

Quand on perd pied, on oublie les évidences ……. Qu’on regrette ensuite !

Est-ce trop tard ? Sans doute …….. Mais qui sait ! La vie réserve tant de surprises que ma nouvelle devise est simplement : « qui vivra verra ! »

 

Et advienne que pourra !

 

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce texte n’est en rien de l’auto apitoiement, ni de l’auto flagellation …. Il faut faire face à la réalité, pour peut être que le cauchemar se transforme en rêve éveillé …….. Est-ce possible ?

 

A cette question sans réponse, je dirais simplement que les réponses viennent sans question

Et puis, ne dit-on pas qu’on nait plusieurs fois, mais qu’on meurt une seule fois … et qu’il faut le savoir dès la seconde naissance …….

 

Alors oui, ce texte est un hymne à la vie ……. Quand le destin est brisé, j’ose croire qu’on peut en changer le cours …… même si, je le répète, c’est mission impossible !

 



15/11/2011
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