Glen Loverdale ...

Joli mois de mai

Mai 1988, direction le restaurant L’Orignal à Montparnasse. C’est un moment de joie intense d’être réunis tous les cinq. L’émotion est si forte qu’on plaisante pour essayer de rire.

Il y a quelques jours, ils sont partis sans moi. J’étais dans un bureau avec des officiers, qui savaient tous que j’aurais dû être libre aussi. J’entendais les éclats de rire, les cris de joie tandis qu’ils montaient dans les camions. J’ai fermé les yeux pour être ailleurs, loin. Les officiers se sont tus et ont attendu que je me reprenne. Et puis quelques jours plus tard, j’ai franchi le portail. Le planton de garde m’a pris dans ses bras, les larmes d’émotion coulaient sur ses joues. Je me suis écarté en lui faisant un petit sourire. Au coin de la rue, je me suis arrêté. J’ai posé mon sac et ai allumé une cigarette. J’ai regardé une dernière fois les bâtiments tristes. Je voulais rire et hurler que j’étais intact, indemne.

Vingt cinq ans plus tard, on voulait retourner à L’Orignal, qui n’existe plus. Chaque année, le dernier vendredi du mois de mai, on se retrouvait tous les cinq. Et puis ces rendez-vous annuels se sont espacés. Il était impossible qu’on rate les retrouvailles du quart de siècle. Nous étions jeunes alors et nous avions plein de rêves. La vie nous a permis d’en réaliser quelques uns, en a enlevé d’autres, et nous a apporté des cauchemars aussi. 

Dans le restaurant, nous sommes réunis autour d’une table ronde. Les regards et les sourires n’ont pas changé. Le bonheur de se retrouver est si intense qu’il n’est pas utile de parler. Je me souviens des jours durs où le soutien des autres était un moment de réconfort. Il y avait aussi et surtout les moments heureux. On s’amusait à dire que nous étions les mousquetaires. Tous pour un et un pour tous, nous avions la même devise que les héros de Dumas. Mais ce soir, c’est le présent qui compte et rien d’autre. Les conversations vont bon train pendant ce repas de fête. Nous trinquons au bonheur d’être ensemble car notre amitié a résisté au temps.

Je ferme les yeux et les écoute rire et parler. La réalité est plus belle qu’un rêve ce soir, rien ne pourra émousser notre joie. J’ai un peu froid et ouvre les yeux. Je regarde avec surprise les arbres qui m’entourent. Le soleil est caché par des nuages sombres. C’est étrange de se retrouver seul tout à coup. Et puis je me souviens. Je referme les yeux avant de les rouvrir, les larmes coulent sur mes joues. Je pose les fleurs sur la tombe et je quitte le cimetière. Il me reste encore trois tombes à fleurir.



29/05/2013
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