Glen Loverdale ...

Danse avec la ... Mort

A l’âge de dix ans, il partit en vacances pour enfin faire connaissance avec la famille de son père. A l’aéroport de Beyrouth, il découvrit une haie d’honneur formée par les oncles, les tantes, les cousins, les cousines …. Un accueil présidentiel pour ainsi dire ! Mais, rien ne se passa pas comme il l’imaginait. Le premier matin, il alla aux toilettes, rudimentaires, et fut surpris d’entendre un homme chanter. Ce n’était que le muezzin de la proche mosquée qui appelait à la prière du matin.

Carrefour entre l’Occident et l’Orient, le Liban n’était pas encore entré dans les guerres qui allaient durer tant d’années. La fatigue à cause de la grande chaleur, les moustiques qui ne laissaient pas de répit la nuit … et bien d’autres choses encore, lui donnèrent envie de regagner sa maison. Ce n’est que bien plus tard qu’il comprendrait la chance qu’il avait eu d’être dans ce pays si beau, tellement beau que des hommes prendraient tout leur temps pour essayer de le détruire.

 

Quelques jours après le retour en France, il se sentit étrangement fatigué, sans énergie, épuisé sans rien faire. Dans son lit, il pleurait parce que ses copains jouaient dehors, et qu’il n’avait pas la force de se lever. Sa mère toucha son front brûlant, elle prit sa température avec un thermomètre qui indiquait 42°. Elle n’en crut pas ses yeux au point de le jeter et de vite en acheter un autre à la pharmacie. Même verdict : 42 ° !

 

Sa mère appela un médecin en urgence et prévint son père qui était au travail. Le docteur fit son diagnostic et donna une chance sur mille de survie à cet enfant de dix ans. Le garçon s’habilla vite sans savoir pourquoi, et du salon il se retrouva dans une chambre d’hôpital. Il ne savait pas que l’ambulance appelée avait parcouru les vingt kilomètres jusqu’à l’hôpital en un temps record, toutes sirènes hurlantes pour passer les feux rouges.

 

Les chambres étaient en U, au milieu se trouvait le poste de surveillance des infirmières. Tout était vitré, aucune intimité … simplement parce qu’il ne savait pas qu’il était dans le pavillon des condamnés, ceux pour qui les chances de survie sont pratiquement nulles. On l’allongea sur le lit, vêtu simplement de son slip, une poche de glace sur le ventre et une autre sur le front. On le recouvrit d’un drap. Il n’y avait pas d’autres solutions pour faire baisser un peu sa température qui restait stationnaire à 42 °. Le cerveau doit sans doute en prendre un sacré coup, puisque le refroidissement du corps et des organes ne fonctionne plus.

 

Chaque jour, on lui faisait plusieurs prises de sang, parce qu’on ne connaissait pas l’origine de la fièvre. Lorsque les veines des bras furent trop « abîmées », on lui prélevait le sang au bout des doigts. Il ne réagissait à rien, vomissait le peu qu’il mangeait presque instantanément. Il ne savait pas qu’il était mourant, ses parents essayaient de cacher leurs yeux rougis par les larmes, mais il n’en avait pas conscience, d’ailleurs il n’avait plus conscience de rien !

 

Et puis, les médecins trouvèrent enfin … c’était la fièvre typhoïde contractée au Liban. La phase d’incubation terminée, il était en route vers une piste de danse, celle de la Mort ! Léthargique comme il était, il aurait pu partir dans son sommeil, apaisé … enfin !

 

Mais, le corps se révolte surtout quand il est aidé dans son combat par des médicaments adaptés. Alors, il fut sauvé !

 

En rentrant chez lui, trois semaines plus tard, il se regarda dans le miroir. Il avait perdu beaucoup de poids et ce qui le fit éclater en sanglots, c’est lorsqu’il s’aperçut que ses cheveux étaient grisonnants. Sa chevelure brune, dont il était si fier, avait blanchi sous les assauts de la fièvre. Ses cheveux tombaient par poignées et sa mère lui assurait qu’il n’en était rien. Il ne savait pas encore que son cerveau avait subi des dommages, il ne savait pas non plus que la Mort n’avait pas voulu danser avec lui !

 

Quelques années plus tard, sans raison particulière, il eut une peur panique de la mort. Il ne voulait plus dormir par crainte de ne plus se réveiller. Puis, il s’habitua à l’idée qu’il pouvait connaître la danse macabre à n’importe quel moment. Ses cauchemars cessèrent du jour au lendemain. Il ne savait pas non plus que sa personnalité, à peine ébauchée, avait déjà été profondément modifiée. Était-il donc un bipolaire, comme on lui avait dit une fois ? Ou bien était-il simplement touché par les troubles de l’adolescence, à l’âge où on se pose des questions sans réponses ?

 

A dix ans, on ne sait pas ce qu’est la mort. Pourtant, il avait perdu un de ses amis quelques semaines avant d’être atteint du Typhus !

 

Le Soleil brille différemment quand on danse quelques instants avec la Mort … et les traces restent indélébiles à jamais …



01/11/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 11 autres membres