Glen Loverdale ...

IRM = Image Rayonnante Magique ?

La journée commençait mal, il n’y avait aucune raison pour que ça change ensuite. Le chirurgien veut opérer dans cinq jours, car c’est un cas urgent selon lui. D’un autre côté, je partage son point de vue sur l’urgence. Je suis un peu moins enthousiaste pour les mille huit cent euros de dépassement d’honoraires, non pris en charge par ma mutuelle. Et puis, il veut que je fasse une IRM (Imagerie Résonnance Magnétique) deux jours avant l’intervention chirurgicale. Et oui, il veut une image récente et précise pour savoir ce qu’il va trouver près de la colonne vertébrale. Je savais bien que j’aurais du rester couché, d’autant plus que la CPAM refusera de rembourser le taxi, malgré le bon de transport de mon médecin traitant.

 

Cet IRM m’inquiète un peu parce que je ne suis pas certain que mon corps soit tout à fait d’accord. Alors je décide de faire un petit test en me mettant dans la position de cet examen. Allongé sur le dos et les genoux légèrement pliés, je regarde la trotteuse de ma montre. Quarante-cinq secondes et la douleur est déjà là. Une minute de plus et elle atteint un seuil insupportable. C’est à ce moment là que je suis pris d’un fou rire nerveux qui déclenche une décharge dans le bas du dos, irradiant à travers la cuisse et la jambe. L’IRM dure généralement entre quinze à vingt minutes et je ne sens pas du tout le truc. J’appelle donc le chirurgien mais je tombe sur son assistante, à qui j’expose mon problème. Je ne vois vraiment pas comment je peux tenir la position pour l’IRM. Gentiment, elle me dit que cet homme est occupé mais qu’il me rappellera rapidement. A peine deux heures plus tard, elle me rappelle et me rapporte ce que lui a dit le chirurgien : il faut absolument faire l’IRM préopératoire, les radiologues me feront mettre dans une position moins douloureuse et ils me donneront des calmants. Je suis un peu sceptique mais je vais faire confiance pour une fois.

 

Le centre d’imagerie n’est pas très loin de chez moi et je ne peux pas y aller en transports en commun. J’ai un bon de transport pour passer par un service d’ambulance, ce qui est peut-être une bonne solution. La première compagnie d’ambulances ne va pas sur Paris pour un patient non allongé. J’ai beau leur expliquer que je tiens uniquement la position assise sans douleurs, mais ils ne veulent rien entendre. La deuxième compagnie que j’appelle n’a pas de véhicules légers. Bon, il suffit simplement de trouver un chauffeur pour une matinée. C’est impressionnant comment les amis, proches ont tous une bonne raison de refuser ce service. Pourtant, j’ai toujours répondu présent quand on a eu besoin de moi. Donc, je suis comme qui dirait dans la merde. Finalement, une amie qui m’appelait uniquement pour prendre des nouvelles, propose de me dépanner. Je suis gêné car elle indique devoir prendre une demi-journée de congés. N’ayant pas le choix après le fiasco de l’appel aux proches, j’accepte sa proposition.

 

Et bien voilà, c’est enfin le jour de cet IRM. Par chance, ça roulait bien dans Paris et on a trouvé une place facilement, tout près du centre d’imagerie. Ca se présente plutôt bien pour l’instant. J’attends tout de même avec un peu d’appréhension et mon amie parle beaucoup pour me faire penser à autre chose. Elle a écarquillé les yeux de stupeur en voyant la position antalgique de mon corps. On m’appelle et je me dirige vers la cabine que m’indique la radiologue. Elle me donne les bouchons auriculaires en m’expliquant comment faire avec. Avant qu’elle ne sorte, je lui rapporte ce que m’a dit le chirurgien concernant la position et les calmants. Très sérieusement, elle me répond que l’examen se fera dans la position allongée sur le dos et qu’on ne donne pas de calmants ici. Je ne sais pas pourquoi j’ai soudain envie de ressortir et prendre la fuite. Mais bon, quand il faut y aller … il faut y aller.

 

J’entre maintenant dans la salle d’examen et on me fait allonger sur la table. Le second radiologue vient me voir et il est hilare. Quand il demande si c’est moi qui ne peux pas rester allongé sur le dos, il est à la limite du fou rire. Je ne prends même pas la peine de répondre, ça ne m’amuse pas et j’ai surtout envie qu’on en finisse au plus vite. Avant de s’installer devant le panneau de contrôle, il me rappelle qu’il y aura une imagerie classique, puis une autre avec injection de produit de contraste.

 

C’est parti pour vingt minutes et la douleur est déjà là. Je croise les bras en posant les mains sur les épaules et je ferme les yeux. Je ne suis pas claustrophobe mais je n’aime pas le bruit des ondes rebondissant contre les parois du caisson et traversant mon corps. J’essaie de faire le vide car la douleur atteint déjà un niveau insupportable. Sur une échelle de un à dix, elle est déjà à dix. Et l’examen vient à peine de commencer. Je n’arrive pas à contrôler les tremblements de mes cuisses tétanisées. Le nerf sciatique vient de se réveiller et il veut me faire chanter une chanson dans les aigus. J’essaie de garder mon calme mais je sens que mon corps est saisi de tremblements. Je n’arrive pas à contrôler les larmes de douleur ni mes gémissements. Ma respiration est trop rapide et je la contrôle pour essayer d’oublier la douleur. J’irai au bout de cet examen et je ne capitulerai pas. J’ai un micro à disposition pour signaler aux radiologues que ça ne va pas, en cas de besoin. Je ne l’utiliserai pas. Les radiologues voient l’intérieur de mon corps sur leurs écrans de contrôle, c’est pour cela que l’un d’eux me parle en disant qu’il reste encore une séquence sur les trois sans injection. Cela m’a paru tellement long que je ne peux m’empêcher de sangloter quelques secondes, puis de respirer à nouveau calmement pour reprendre le dessus. Jusqu’au bout, je refuserai de montrer ma faiblesse mais mes gémissements me trahissent.

 

Soudain, le son des ondes magnétiques cesse et je comprends que les radiologues ont pris la décision d’arrêter l’examen. Je ressens un grand soulagement et je m’assois sur la table. Ils sont tous deux face à moi, leurs regards sont tendus. Ils me prenaient sans doute pour un simulateur ou un homme douillet. Au vu des images, la volumineuse hernie comprimant le nerf sciatique et le fourreau dural, le conflit radiculaire … Ils ont changé d’avis. Je n’y comprends rien à ce langage technique. Je sais juste que l’intervention chirurgicale ne peut pas être évitée.

 

Face aux radiologues, je ferme les yeux pour ne pas qu’ils voient mes larmes de douleur. J’ai encore un peu de fierté mal placée. Je regagne la cabine en boitant et je regarde mon visage dans la glace. Je suis pâle comme un linge et mes yeux sont rougis. Je ne veux pas que mon amie me voit ainsi, alors je m’asperge le visage d’eau en insistant bien sur les yeux. Lorsque je sors de la cabine, je fais un petit sourire à mon amie dont le visage se décompose. Elle fait mine de se lever mais je m’approche d’elle en marchant le plus vite possible. J’ai besoin de quelques minutes de récupération avant de me rendre au cabinet du chirurgien, qui est à moins de trois cent mètres.

 

Je marche et m’arrête tous les dix pas et je m’appuie aux murs pour récupérer. Mon amie m’attend et me dit que j’ai une résistance à la douleur hors norme. Je souris faiblement mais ne trouve rien à répondre. Et puis, je suis concentré uniquement sur la distance à parcourir jusqu’au cabinet médical.

 

Le chirurgien qui est dans la salle d’attente, raccompagnant un patient, me demande si j’ai réussi à faire l’IRM. Je n’ai pas besoin de répondre, il me suffit de lui montrer la pochette des clichés. En repartant après ce rendez-vous, j’avoue à mon amie que j’ai craqué et pleuré pendant l’IRM. Elle me regarde étrangement et me dit simplement qu’elle s’en était doutée.    



27/02/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 11 autres membres