Glen Loverdale ...

Fighting spirit

Mes yeux sont fermés et tout mon corps est douloureux. Je ne sais pas où je suis. Quelque chose d’humide et froid glisse sur mon visage. Je sursaute de douleur lorsque je le sens sur mes paupières. J’essaie d’ouvrir les yeux mais je n’y parviens pas. Une voix douce et chantante me dit de ne surtout pas les ouvrir pour l’instant. Je veux répondre et mes lèvres restent serrées. Je sens une larme couler sur ma joue.

 

La première fois, Serge m’avait regardé droit dans les yeux. Il m’avait dit qu’il fallait que je ressente la peur, mais que je la surmonte. La boule dans la gorge m’empêchait presque de respirer normalement. Face à moi, il m’avait donné les conseils pour contrôler ma respiration. J’ai eu un peu de mal au début et j’y suis parvenu. Il y a presque une heure, Serge m’a regardé en faisant la moue, ce qu’il voyait ne lui plaisait pas. Je lui ai souri lui montrant que je n’avais pas peur. C’est à ce moment là qu’il a secoué la tête, déçu par mon attitude.

 

J’ai tendu mes mains l’une après l’autre pour qu’il passe les bandes protégeant les phalanges. La première fois, j’en tremblais presque mais pas ce soir. Il m’a demandé de m’échauffer puis j’ai sauté à la corde. Je riais de son anxiété que je ne comprenais pas. La première fois, mes jambes flageolaient quand je sautais à la corde. Ce soir, je me suis trouvé ridicule de faire ce jeu de fillettes. Serge n’a rien dit mais je le sentais irrité. Il m’a dit que c’était sérieux et qu’il n’y avait rien de ludique. J’ai crispé mes mâchoires pour avoir l’air méchant et j’ai essayé de lui montrer que j’étais concentré. Ensuite, comme la première fois, il m'a aidé à mettre les gants.

 

J’ai traversé la grande salle en regardant les visages sur ma droite et sur ma gauche. Ils étaient comme des fous en m’acclamant. J’ai souri en les dévisageant tout en m’imprégnant de leurs cris d’encouragement. Et puis je l’ai vu. Elle était assise tout près du ring et m’observait attentivement. Je lui ai fait un clin d’œil comme pour l’inviter à venir me voir après. La première fois, Serge m’avait recommandé de me mettre dans une bulle, sans regarder les visages, sans entendre les voix et les cris. J’avais alors traversé la salle comme un zombie, fermé à tout ce qui m’entourait. Pas ce soir, pour la dernière fois, je voulais savourer ce moment de communion avec eux. Ils sont là pour moi depuis si longtemps, je leur dois bien ça.

 

Je suis monté sur le ring où mon adversaire a pris place à son tour. Il avait le regard du tueur et ça m’a amusé. Je lui ai souri mais il avait un rictus de haine sur le visage. La première fois, mon visage était fermé, tendu par la concentration. Ce soir, je n’ai pas peur et je vais gagner. Ce minable ne fait pas le poids face à moi, il croit avoir le feu sacré mais j’en suis le seul dépositaire. Je vais lui montrer ce qu’est un tigre, car il ne le sait pas encore. Comme la première fois, Serge glisse le protege-dents dans ma bouche. Un mouvement des mâchoires, je serre les dents et il est bien en place.

 

Je sens une caresse sur mon visage qui n’est que douleur. Serge me dit que mes deux arcades sourcilières n’ont pas tenues. Au second round, la droite a éclaté sous un crochet d’une violence inouïe. Le tampon homéostatique a fait son effet immédiatement mais je savais qu’au prochain coup au même endroit, l’arcade exploserait encore. Mais il a été plus malin en balançant un direct sur l’autre arcade qui n’a pas résisté. L’arbitre a voulu arrêter le combat et lorsqu’il m’a décompté à huit, je lui ai dit que je pouvais continuer. Il s’est tourné vers Serge qui n’a pas jeté l’éponge. Pour mon dernier combat, il a voulu que je comprenne la leçon. Mais ne savait-il pas que c’était déjà trop tard ? J’allais gagner parce que je le savais. Maintenant, la douce main caresse mon visage et je n’ai presque plus mal. J’ai senti un souffle léger sur ma joue et une jolie voix féminine m’a demandé si je l’entendais bien. J’ai hoché la tête pour lui répondre. Sa voix est devenue soudain dure, coupante comme le vent quand elle m’a souhaité de souffrir atrocement. Malgré la douleur qui vrillait tout mon visage, j’ai ouvert les yeux. Je ne sentais plus mes paupières et juste avant que les arcades s’ouvrent à nouveau, j’ai su qui elle était.

 

Pourquoi était-elle venue pour me torturer ainsi ? C’était la femme au bord du ring à qui j’avais fait un clin d’œil. Pourquoi n’ai-je pas reconnu Sandra, la sœur de Michel ? Celui que j’ai rencontré pour mon premier combat. Un uppercut à la mâchoire, il était tombé à terre pour ne plus se relever. Je n’ai jamais oublié mon unique meurtre au combat !

 

 



31/12/2012
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