Glen Loverdale ...

Au volant du véhicule militaire, le lieutenant Tanza se tournait souvent vers le lieutenant Loverdale. Les deux hommes étaient silencieux et ne comprenaient pas l’ordre du Capitaine Garmius. Ce dernier avait ordonné qu’ils le retrouvent dans la forêt de Duden. Par cette nuit sombre, Tanza conduisait prudemment,  en plein  phares. La route était si mauvaise que le véhicule semblait rebondir sur les trous et les bosses. Tanza aperçut l’ombre du véhicule du capitaine, il s’arrêta et coupa le contact, avant d’éteindre les phares. Les deux hommes se regardèrent, sans dire un mot, puis sortirent de la voiture pour se diriger vers Garmius. Lorsqu’ils furent à deux mètres de leur supérieur hiérarchique, ils se mirent au garde-à-vous, puis saluèrent avant de revenir au garde-à-vous. Garmius jeta un coup d’œil rapide à Tanza, puis ses yeux plongèrent dans ceux de Loverdale qui soutint son regard. Le visage du capitaine était tendu de rage contenu, ses yeux lançaient des éclairs tandis qu’il fixait intensément Loverdale. Les minutes semblèrent interminables aux deux lieutenants, avant que Garmius ne se décide à leur ordonner de se mettre au repos.

Le vent poussa le nuage sombre qui masquait la lune et la forêt fut soudain éclairée par l’astre de nuit.

- Savez-vous pourquoi vous êtes ici ? Interrogea Garmius.

- Non, mon capitaine, répondit Loverdale surpris du silence de Tanza.

- Faites ce que vous avez à faire, ordonna Garmius à Tanza tout en regardant étrangement Loverdale.

Tanza passa rapidement derrière l’autre lieutenant, saisit le bras droit qu’il tordit brutalement de manière à ce que la main de Loverdale soit au niveau de son omoplate. Celui-ci grimaça de douleur et se courba mais la surprise de ce qui se passait était plus grande que la souffrance. Le capitaine serra les poings et frappa Loverdale au foie d’un direct sec, puis enchaîna avec des crochets du gauche au visage. L’arcade sourcilière ne résista pas aux coups répétés, en quelques minutes le lieutenant avait le visage en sang. Tanza relâcha Loverdale qui s’effondra lourdement à terre. Garmius fit deux pas vers son véhicule et prit la batte de baseball posé sur le siège passager. Il la tint fermement avant de frapper le genou droit de Loverdale, à plusieurs reprises. Celui-ci poussa un horrible cri d’anima blessé lorsqu’il ressentit une douleur fulgurante au moment où l’os craqua dans un bruit sinistre. Tanza ferma les yeux et les rouvrit aussitôt pour regarder le capitaine avec haine. Il avait obéi aux ordres sans savoir la correction brutale que Garmius avait prévue pour Loverdale.

- Aidez-le à se mettre dans votre véhicule puis revenez, ordonna le capitaine.

Sans dire un mot, Tanza releva Loverdale qui grimaçait de douleur, les yeux fermés. L’homme blessé s’appuya sur Tanza et marcha à cloche-pied vers le véhicule, puis repoussa le lieutenant. Il parvint à s’installer sur le siège passager au prix d’énormes efforts, puis ferma alors les yeux.

- Pourquoi, mon Capitaine ? Interrogea Tanza lorsqu’il revint devant son supérieur.

- Pourquoi quoi ? Demanda Garmius, une étrange lueur dans le regard.

- Pourquoi faites-vous cela à Loverdale ?

- A mes yeux, il représente tout ce que je hais.

- Je ne comprends pas, mon capitaine.

- Il n’y a rien à comprendre, Tanza.

- C’est votre propre frère, mon capitaine.

- Et alors ? demanda Garmius d’un ton ironique

- Je ne vous laisserai pas recommencer une autre fois, rétorqua le lieutenant.

- C’est une menace, Tanza ?

- Non, mon capitaine, je vous préviens. C’est tout !

- Savez-vous à qui vous vous adressez ? répondit le capitaine d’une voix blanche.

- A un salopard, mon capitaine.

- Tirez-vous, Tanza, dit alors Garmius qui contrôlait difficilement la colère qui montait. Tirez-vous vite !

- Oui, mon capitaine, répondit Tanza en faisant demi-tour vers son véhicule.

A quelques pas du capitaine, il tourna la tête et dévisagea son supérieur qu’il ne pouvait plus respecter.

- N’oubliez jamais ce que je viens de vous dire, Garmius. Jamais !

Le rire dément du capitaine retentit dans la forêt, tandis que Tanza prenait place au volant, mettait le moteur en marche avant d’allumer les pleins phares. Il  roula lentement dans le bois pour éviter les secousses sur les bosses de la route de terre, puis il accéléra dès qu’il fut sur le bitume de la route.

- Que s’est-il passé entre Garmius et toi ? Demanda-t-il à Loverdale.

- Laisse-moi tranquille et conduis.

- Merde, c’est ton frère !

- Et alors ? rétorqua Loverdale en tournant légèrement la tête vers le lieutenant. Ses yeux mi-clos reflétaient la douleur physique de son genou brisée et la tristesse.

- Loverdale, dit alors pensivement Tanza.

- Quoi encore ?

- Tu connais les rites indiens ?

- Arrête tes conneries, Tanza. Conduis-moi à l’infirmerie et tais-toi.

- Ecoute-moi, Loverdale. On va devenir frères de sang toi et moi !

- Tu as regardé trop de western quand tu étais môme.

- Tu as un frère qui n’en est pas un. Tu devrais en choisir un autre.

Quelques mois plus tard, les contrats d’engagement de Tanza et Loverdale prenaient fin. Ils se retrouvèrent dans un bar où on jouait du jazz et prirent une cuite mémorable. Vers deux heures, au cœur de la nuit, ils marchèrent dans la ville jusqu’au fleuve et s’assirent les au bord de l’eau. Un sourire démoniaque éclairait le visage de Loverdale.