Glen Loverdale ...

Au delà de la peur

Assis sur son lit, Glen essaie de lire un bouquin qui lui plait mais n’y parvient pas. Il a l’esprit ailleurs en ce long weekend où il est bloqué ici. Glen lève la tête pour observer cette chambre impersonnelle, qu’il partage avec sept hommes.  Deux rangées de quatre lits de chaque côté, une armoire métallique entre chacun d’eux. Tandis qu’il essaie de se concentrer sur la lecture, Pacas range son placard. C’est un grand gaillard robuste dont la carrure est impressionnante. Il a une voix fluette ce qui fait que tous les autres hommes de la section se moquent de lui, en le prenant pour un homosexuel. Qu’il le soit ou pas n’a aucune importance aux yeux de Glen, c’est un homme comme un autre.

Depuis son arrivée, quelques jours après son contingent, il est dans une position particulière. Les officiers et les sous-officiers le laissent tranquilles, simplement parce qu’il était à l’université dont il est diplômé. Glen subit régulièrement quelques plaisanteries douteuses sur le fait que l’armée va le viriliser, puisqu’il y a essentiellement des compagnies de combat. Il ne réagit pas car cela ne servirait à rien de démontrer qu’il n’est nul besoin d’être militaire pour être viril ou pas. Les autres militaires le respectent car il est, à leurs yeux, un intellectuel. Peut-être même le premier qu’ils voient d’aussi près. Qu’un étudiant qui vient d’avoir sa maîtrise universitaire se retrouve dans un régiment disciplinaire, ce n’est pas logique. Glen sait pourtant pourquoi il est ici, mais tant que personne ne le sait, sa tranquillité relative est assurée. Lorsque son  « secret » sera éventé, les choses sérieuses commenceront sans doute et les mois à venir seront, sans aucun doute, éprouvants. Physiquement, Glen sait qu’ils ne pourront pas l’atteindre parce qu’il a une grande résistance, au-delà de ce qu’ils peuvent imaginer. Par contre, s’ils entrent dans un schéma pour le briser psychologiquement, ce sera nettement différent. S’ils sont malins, ce qui est certain, ils auront un double angle d’attaque en l’épuisant physiquement et nerveusement. Sur ce point, leur marge de manœuvre est très grande. Toutefois, Glen ne se laissera pas faire facilement, cela aussi est une certitude.

Au moment où Glen baisse les yeux sur son livre, la porte de la chambre s’ouvre brutalement. C’est l’entrée fracassante de Berrouane, Baamed et Bento, complètement surexcités qui se dirigent vers Pacas dont le visage blêmit. Depuis plusieurs jours, Berrouane ne cesse de provoquer Pacas pour se confronter physiquement à lui. Seulement, l’adversaire qu’il s’est choisi est un trouillard, malgré son gabarit hors norme, puisqu’il mesure un mètre quatre vingt quinze pour quatre vingt dix kilos. Pacas se dirige rapidement vers la porte pour quitter ce lieu qui représente un danger grandissant pour lui. Eutrope empêche le passage de Pacas, tandis que Madad et Balmy se postent devant la porte. Eutrope projette violemment Pacas contre une armoire métallique, puis le ceinture pour lui interdire tout mouvement.

Lorsqu’ils sont entrés dans la chambre, Glen a ressenti la peur, qui s’est estompée quand il a compris qu’on n’en avait pas après lui. Il a poussé un soupir de soulagement muet en constatant qu’il est transparent aux yeux du petit groupe d’hommes violents. Il fait semblant de lire tout en observant ce qui se passe pour Pacas. Celui-ci est maintenant entouré par quatre hommes, il demande à Glen d’aller prévenir l’officier de permanence. Glen lit la panique dans le regard du colosse parce que la situation est très tendue. Tous les regards se portent vers Glen qui ne fait aucun mouvement pour qu’on comprenne qu’il observera une neutralité absolue sans porter secours à Pacas. C’est une évidence que Glen ne sortira pas de cette pièce pour appeler un officier dont l’autorité liée à son grade calmerait la situation. S’il avait eu l’intention de le faire, ces hommes furieux l’en empêcheraient mais ce n’est pas cela qui joue dans la décision de Glen. Faire appel à une aide extérieure signifierait simplement qu’il est lâche, autant que Pacas. Ces hommes sont des loups qui s’amusent à terroriser les moutons apeurés. Ce n’est pas la première fois qu’ils jouent à terroriser la victime qu’ils se sont choisis. Mais c’est la première fois que Glen est en prise directe avec ces fauves enragés.

Le jeu prend une tournure de plus en plus violente et agressive, Pacas est bousculé sans ménagements. Il tourne son visage vers Glen qui y lit la terreur, une terreur indicible comme celle de la proie prise au piège face à la cruauté de prédateurs. Glen ressent à la fois une profonde empathie pour Pacas et surtout le soulagement de ne pas être à sa place. Il fait sans doute preuve de lâcheté en observant la scène en spectateur sans intention d’intervenir. Cela ne changera rien hormis le fait qu’il sera à son tour la cible de la violence gratuite des agresseurs. De plus, seul contre eux tous, car Pacas ne sera d’aucune aide, il n’a pas la moindre chance de s’en sortir. Madad, qui est en passe de se faire réformer pour raison médicale, essaie de calmer le jeu sans succès. Tandis que les coups pleuvent sur Pacas, il roule un joint qu’il fait vite tourner. Mais l’accalmie n’est que passagère pour la victime. Eutrope bloque toujours  la seule issue de fuite en se tenant devant la porte. C’est alors que Baamed, allongé sur le lit le plus proche de celui de Glen, ordonne à Pacas de le sucer pour qu’il puisse ensuite le fourrer. Le visage de Glen se fige lorsqu’il voit Baamed défaire sa braguette et exhiber son sexe en érection. Berrouane et Bento ouvrent leurs braguettes également. Brutalement, et sans raisons, la situation est en train de basculer de la violence physique vers un un viol collectif. Cela, Glen en est absolument persuadé.

Le regard de Glen croise celui de Pacas, de plus en plus terrifié par ce que ces hommes ont déjà fait en le frappant, et ce qu’ils vont lui infliger maintenant. Sans réfléchir, Glen se lève et reste debout sans bouger, observant les tortionnaires les uns après les autres. Il a un petit sourire narquois aux lèvres car il va passer à l’action, la plaisanterie ayant assez duré à ses yeux. A-t-il peur ? La réponse est évidemment oui. Mais il a pris la décision de surmonter sa frayeur car il ne peut pas assister au viol d’un homme sans broncher. Il se dirige vers Baamed, qui regarde fièrement son sexe dressé. Sans lui laisser le temps de réagir, Glen saisit ses testicules à pleine main et serre. Le visage de Baamed se décompose sous la douleur, son regard se porte sur Berrouane et Bento pour qu’ils le sortent de cette situation inattendue. Glen assure une pression plus forte qui fait se tordre de douleur sa victime. La peur vient de changer de camp, au moins pour l’un des membres de la meute enragée. Glen est persuadé que la violence va maintenant se déchaîner contre lui, il ne voit pas d’autres possibilités. Il est prêt à cette éventualité sachant que s’ils le tabassent, il ne se laissera pas faire et rendra coup pour coup. Ils sont en surnombre mais peu importe, advienne que pourra. Glen ne quitte pas Berrouane du regard, c’est lui le plus dangereux et il commande la bande. Prenant Glen de court, Berrouane éclate d’un rire sonore puis, sans un mot, se dirige vers la porte, suivi par ses potes. Glen attend qu’ils soient tous à l’extérieur avant de relâcher Baamed. Celui-ci quitte le lit, se redresse pour fermer sa braguette, et court vers la porte. Au moment de la franchir, il se tourne vers Glen.

- Tu vas morfler, Glen ! Je vais te tuer.

- Pourquoi attendre, Baamed. On règle ça maintenant.

- Ce sera quand je voudrais.

- Pas de problème, mec. Je t’explose quand tu veux.

-Fils de pute, dit Baamed en rejoignant les autres dans le couloir.

Glen sait qu’il faudra se tenir sur ses gardes désormais. Il a fait passer un message qui a été parfaitement compris par ces hommes. Ils penseront que Glen n’a pas peur d’eux, alors qu’il l’a juste surmontée. Quand il est entré dans la danse, il fallait aller au bout. Glen se tourne vers Pacas, auquel il vient de sauver la mise, mais celui-ci reprend ses occupations de rangement, sans un remerciement pour son défenseur. Glen sourit mais ne dit rien.

Glen se demandait souvent ce que serait sa réaction si une agression se déroulait sous ses yeux. Plusieurs options sont possibles : baisser la tête et se rendre transparent, prendre la fuite ou …

La peur est naturelle nous laissant la possibilité d’être submergé par elle ou de la surmonter. Maintenant ? Glen savait !



14/09/2015
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