Glen Loverdale ...

Le désert est toujours glacial la nuit, après la chaleur accablante de la journée. L’homme conduisait vite et ralentit en apercevant le feu, à quelques centaines de mètres. Il coupa le moteur et marcha lentement, il vit alors les quatre hommes assis autour du feu. Il reconnut « Voleur de Vent », le sorcier au visage ridé, qui avait des pouvoirs secrets transmis de père en fils. Les visages des autres hommes ne lui disaient rien, il n’était plus venu près des Dakotas depuis si longtemps.

- Viens-tu en paix Aigle Solitaire ? Demanda un des trois hommes.

- Comment sais-tu qui je suis, répondit celui qu’on avait ainsi nommé, d’une voix glaciale.

- Ne perturbe pas les esprits de la Nature, ordonna sèchement Voleur de Vent.

Sans dire un mot, Aigle solitaire prit place autour du feu. Il observa les hommes et reconnut ceux avec qui il avait passé son enfance. Œil de Lune, Aigle Noir et Tanka accueillaient Aigle Solitaire sans aménité, leurs visages durs et sans expression. Rejeté par les Blancs et les Indiens, son sang métis en faisait un homme sans passé aux yeux de tous. Il leur sourit pourtant en ignorant les regards de haine.

- Pourquoi es-tu là ? Interrogea Œil de Lune

- Je lui ai demandé de venir, coupa Voleur de Vent. Si tu n’acceptes pas ma décision, pars immédiatement.

- C’était une simple question de curiosité, répondit Œil de Lune en fixant le sorcier droit dans les yeux.

- Tu mens, rétorqua le vieil homme au visage ridé.

Voleur de Vent ferma alors les yeux et rythma son chant ancestral en bougeant lentement le haut de son corps. Il jeta la poudre sacré sur le feu et les cendres volèrent au dessus du feu. Puis il se tut, plongé dans sa communion avec les Esprits Sacrés. Lorsqu’il ouvrit les yeux, ses rides avaient disparu et son regard brillait étrangement. Il prit le calumet de la paix, l’alluma et en tira une longue bouffée. Puis il le tendit à Œil de Lune. Les trois hommes fumèrent et Tanka le passa à Aigle Solitaire. Celui-ci hésita un instant et son regard croisa celui de Voleur de Vent, il fuma à son tour. Ils avaient fait le pacte rituel, aucun d’eux ne mentirait.

Aigle Solitaire ferma les yeux et les images vinrent aussitôt. Son visage ruisselait de sueur, sa mâchoire était crispée, un rictus déformait ses traits. Une profonde souffrance irradiait tout son corps. Il tenta de se lever mais il n’y parvenait pas.

- Calme-toi, dit Voleur de Vent d’une voix apaisante.

- J’ai peur, répondit Aigle Solitaire dans un murmure.

- Les Esprits sont bienveillants, laisse les entrer dans ta tête. Ils savent qui je suis et tu dois me faire confiance.

Aigle Solitaire acquiesça sans ouvrir les yeux. Les flammes montaient devant lui, un aigle noir volait haut dans le ciel puis disparut. Œil de Lune, Aigle Noir et Tanka observaient Aigle Solitaire avec curiosité. Ils savaient que celui-ci avaient des visions, comme ils en avaient eu eux aussi dans le passé. Leurs visages étaient souriants, le sang qui coulait dans les veines d’Aigle Solitaire, était le même que le leur.

- Ouvre les yeux maintenant, ordonna Voleur de vent d’une voix forte.

- Oui, répondit Aigle Solitaire.

- Tu es l’un des nôtres, ne l’oublie jamais !

- Je ne sais plus qui je suis.

- Ne pense pas ainsi. L’aigle vole toujours haut dans le ciel. Parfois il s’égare, mais il ne se perd jamais vraiment.

- Je suis solitaire avant même d’être un aigle.

- Un aigle solitaire revient toujours vers les siens.

- Qui sont les miens ? Interrogea Aigle Solitaire en secouant la tête.

- Regarde autour de toi. Ecoute le vent. Respire l’odeur de la Terre.

- A quoi bon ? rétorqua Aigle Solitaire.

- Tu auras la réponse quand il sera temps, répondit Voleur de Vent en se redressant. Partez maintenant, les Esprits veulent me parler.

Œil de Lune, Aigle Noir et Tanka se levèrent et partirent sans un mot. Aigle Solitaire resta assis et observa Voleur de Vent dont les yeux étaient rieurs.

- Pars, Aigle Solitaire. Nous nous reverrons bientôt. Garde la paix dans ton cœur et ne laisse pas la haine prendre ton esprit !

Aigle Solitaire obéit au vieil homme en regagnant sa voiture. Il se sentait en paix, comme jamais il n’avait été auparavant.