Glen Loverdale ...

Taurus

Il se réveilla à la même heure que d’habitude. Il posa un pied sur le parquet et fut surpris de ce contact étrange sous son talon. Il bascula le second pied et fut brutalement déséquilibré. Il se releva avec difficulté mais parvint tout de même à sortir du lit à la quatrième tentative. Il retint alors un cri d’effroi en découvrant le bas de son corps. Il avait quatre jambes, ou plutôt quatre pattes délicatement velues. Sa chambre lui paraissait minuscule tandis qu’il se dirigeait lentement vers la salle de bain.

 

Avant de franchir la porte, il jeta un regard vers le lit et le rouge de sa couette lui fit mal aux yeux. Il sentit une vague d’agressivité monter en lui. Il détourna donc son regard et fixa le passage de la porte de la chambre au couloir qui menait à la salle de bain. Il se sentait plus lourd que la veille, lorsqu’il s’était affalé sur son lit pour sombrer dans un sommeil réparateur. Sa nuit avait été peuplé de cauchemars, tous plus horribles les uns que les autres. Il ne s’en souvenait pas précisément, il se rappelait juste la terreur qui avait pris possession de son esprit assoupi. La seule chose qu’il ne parvenait pas à oublier, c’était l’homme déguisé face à lui qui agitait un chiffon rouge.

 

Bref, il devait maintenant résoudre le problème sur la manière dont il allait franchir la porte de sa chambre devenue trop étroite. Il s’égratigna les flancs mais ne ressentit aucune douleur physique. L’important, à ses yeux, était d’atteindre la salle de bain pour y prendre sa douche matinale. Ayant trouvé la solution pour passer les portes, il savait qu’il entrerait dans la pièce d’eau sans difficulté. Plusieurs essais furent nécessaires et il poussa un soupir de soulagement lorsqu’il atteignit son but. En fait de soupir, c’était plutôt un cri puissant, qui le terrifia. Il avança rapidement, dans la mesure où sa corpulence le permettait, pour se tenir face au miroir au dessus du lavabo. Son rugissement fit trembler les cloisons et les vitres de tout l’appartement. De longues minutes s’écoulèrent avant que sa respiration reprenne un rythme moins affolé. Sa mutation en taureau au cours de cette nuit cauchemardesque était hallucinante.

 

L’incrédulité se lisait sur son visage encore tourmenté par cette terrible découverte. Les questions se bousculaient dans sa tête mais aucune réponse n’était satisfaisante. Comment allait-il prendre sa douche ? Pourrait-il mettre son costume et sa cravate pour aller travailler ? Ces questions étaient tellement stupides étant donné sa transformation qu’il en hurla de rire. En fait de rire, les sons qui sortaient de sa gorge puissante étaient un mugissement d’une gravité sonore exceptionnelle. Il essayait de comprendre encore et encore la raison de sa transformation en taureau, mais il ne trouvait aucune réponse satisfaisante.

 

Il fut à nouveau saisi d’effroi en s’apercevant que sa mémoire s’effaçait progressivement. Une sourde douleur émotionnelle faisait palpiter son cœur à un rythme d’une rapidité inconcevable pour un être humain. Sa peur s’estompait et laissait place à un sentiment de fierté d’être métamorphosé en cet animal si puissant. Il était juste un peu gêné par les cornes qui ornaient le haut de sa tête. Il ne savait pas pourquoi cela le troublait autant. Et soudain, l’évidence s’imposa d’elle-même. Ses pattes tremblèrent puis tout son corps fut comme pris de convulsion. Dans sa vie de la veille, il cherchait l’évidence quand il n’y en avait pas.

 

Il est dit que les questions n’auront pas de réponses. Mais il est dit aussi que les réponses viendront sans questions. C’est à ce moment là qu’il se souvint de la raison pour laquelle il porterait désormais. Bien visibles aux yeux de tous.



16/10/2015
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