Glen Loverdale ...

Sixième sens

Il n’y a pas si longtemps, les modes de communication modernes n’existaient pas. Le virtuel a tendance à fausser les relations entre les êtres humains. N’ayez crainte, je ne me lance pas dans un discours pseudo-philosophique. Dans la communication écrite (mails, textos, messages sur un réseau social), on peut partir du postulat que l’échange est sincère. Mais on n’en sait absolument rien puisqu’il manque la gestuelle du corps, la voix et ses intonations, le regard qui en dit plus long que des paroles. Je sais aussi qu’on peut masquer ses émotions, ses pensées, ses ressentis quand on est en face à face. L’exemple le plus frappant est celui du sourire. Je veux dire par là que les lèvres ébauchent un sourire qu’on ne retrouve pas dans le regard.

Par le plus grand des hasards, j’ai fait une rencontre inattendue et exceptionnelle. Elle n’est plus une enfant et pas encore une femme. Les personnes « normales » ont cinq sens. Je précise que je n’aime pas ce terme de normalité qui ne veut absolument rien dire. Cela signifie qu’il faut être dans la norme, ce qui exclut de fait les personnalités hors normes justement. Je ne vais pas entamer une réflexion sur ce thème, il y aurait beaucoup à dire et ça ne ferait rien avancer. Il y a suffisamment de réflexions et d’écrits sur ce thème, et ma modeste contribution n’apporterait pas grand-chose à ce vaste débat sans fin.

Pour en revenir à cette rencontre inattendue, il manque un sens à cette jeune fille dont j’ai parlé plus haut. Pour compenser naturellement cette absence, elle dispose de sens que beaucoup d’entre nous n’ont pas. Son regard, je ne dis pas la vue, est développé. Et à mon plus grand étonnement, j’ai compris qu’elle sentait les choses. Nous étions un petit groupe et j’étais plongé dans mes pensées, sans que personne parmi les présents ne s’en rendent compte. Je reviens brièvement sur le fait qu’il est assez simple de masquer ses pensées et ressentis. En quelque sorte, j’étais physiquement avec mes amis, mais je n’étais pas avec eux dans ma tête. Oui, je sais que c’est un peu compliqué à comprendre. Toujours est-il que ce décalage n’était pas visible. Seulement, la jeune fille près de moi m’a regardé un bref instant puis m’a montré l’écran de son téléphone portable. Et là, j’ai retenu un sursaut d’étonnement pour ne pas dire de stupéfaction. Je lisais : « Quel est ton problème ? ». Elle avait ressenti mes pensées profondes sans que je ne donne aucun moyen de deviner à quiconque.

La jeune fille me regardait avec ses jolis yeux, grands ouverts, et attendait ma réponse. J’ai répondu un peu vite que je n’avais pas de problèmes et j’ai su qu’elle ne me croyait pas. Elle a eu l’intelligence et la pudeur de ne pas insister. J’avoue que cet instant, très bref, m’a perturbé. Au cours de ma vie, même si je ne suis pas encore vieux ni plus tout jeune, j’ai fait beaucoup de rencontres amicales et quelques rencontres amoureuses. C’était la première fois qu’une personne, qui ne me connaissait absolument pas, lisait aussi rapidement et facilement en moi. Et pourtant, je répète que je sais masquer mes ressentis. Par exemple, je peux être triste mais rire et participer joyeusement à un moment entre amis, sans que personne ne se rende compte que je suis ailleurs.

J’ai eu envie d’écrire ce texte court, sans prétentions, avec tact et pudeur. Cette rencontre particulière a été une sorte de déclic pour revenir à l’essentiel. Je savais déjà que l’écart entre virtuel et réel est parfois très grand. Cette jeune fille, sans le savoir peut-être, a remis certaines pendules à l’heure, en ce qui me concerne.



26/07/2013
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